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Comment remédier au graphisme maladroit des enfants doués ?

De plus en plus d’enfants doués seraient qualifiés de «dysgraphiques», ce terme laissant entendre qu’il existe une pathologie, précisément répertoriée, dont il serait indispensable de tenir compte pour ne pas les bloquer dans leurs études.

Les parents, inquiets devant les graffitis informes de leur enfant, sont tout d’abord soulagés de découvrir que ce trouble est connu puisqu’il porte un nom : s’il est si bien identifié, il peut sans doute être soigné et tout va rentrer dans l’ordre. S’agissant des enfants doués, n’importe quel trouble prend vite un aspect excessif, comme tout ce qui les concerne : leur écriture, illisible, et surtout d’une lenteur insensée, semble échapper à toutes les aides et à tous les encouragements : la maîtresse s’énerve et se lasse de devoir garder cet enfant tellement lent pendant les récréations pour qu’il puisse terminer son travail. On se souvient alors que tout petit déjà, à son entrée en Maternelle, on avait détecté chez lui de petites anomalies : lui qui avait un langage presque adulte a commencé à se conduire comme un bébé, il avait peur de tout ce qui était nouveau,  il a fini par ne plus chercher à réussir. Sans cesse  confronté à des « jeux » qu’il ne savait pas réaliser, il avait honte de cette maladresse, surtout quand il voyait les autres enfants exécuter avec plaisir ces exercices qui le tétanisaient.   En esprit, il avait déjà terminé la tâche proposée : le dessin à colorier offrait de belles couleurs brillantes qui ne débordaient jamais, sous son crayon assuré, les boucles se déroulaient, souples et régulières. Au contact de la réalité,  il a été  effrayé par sa gaucherie qu’il pensait peut-être irrémédiable En fait sa dextérité verbale ne lui était pas très utile puisqu’il ne pouvait pas dialoguer avec ses pairs et, accablé par un sort si peu compréhensif, il ne faisait pas porter ses efforts sur cette motricité fine, tellement importante pour l’avenir. Il faut toujours garder à l’esprit que les enfants doués se laissent déborder par leur souci de perfection : ils préfèrent se priver du plaisir de dessiner plutôt qu’être confrontés à un informe graffiti, qui avait pour ambition de représenter une image qui leur plaisait. Au départ, les enfants doués ne sont pas plus maladroits que les autres, mais il leur est si facile d’accomplir des progrès fulgurants dans le maniement du langage et des idées qu’ils négligent la motricité qui échappent à leur contrôle et c’est pourtant elle qui prépare le chemin de l’écriture. On accepte volontiers qu’ils colorient en débordant, qu’ils découpent affreusement, ce sont des divertissements d’enfants encore balbutiants, tandis qu’eux savent séduire leur entourage par l’étourdissante maîtrise de leur verbe. A l’école même, les exigences des maîtresses ne sont pas toujours bien acceptées, alors que c’est à ce moment-là, très exactement, que s’installent les prémices de cette écriture calamiteuse. Pour éviter cet engrenage qui le marquera toute sa vie, il est bien préférable de surveiller de près sa façon de tenir son crayon, de tracer un simple trait, et d’accomplir les quelques gestes courants à la portée des enfants de son âge.  On oublie qu’un effort renforcé et bien accompagné constitue souvent un remède efficace. Dès que l’écriture apparaît trop cabossée, sans attendre un éventuel progrès, peu probable dans ce cas, on peut déjà envisager une graphothérapie : elle a le mérite de dédramatiser la maladresse et de procurer des techniques permettant une écriture aisée et fluide. Cependant, après des tentatives, parfois trop tardives, destinées à améliorer la situation,  on finit par préconiser l’utilisation d’un ordinateur : il ne sera plus pénalisé par sa lenteur exagérée. Cette prescription est conseillée avec la meilleure bonne volonté du monde : il n’y aura plus de traces de cette lenteur inconvenante, surtout chez un enfant si vif d’esprit. Les parents sont rassurés : une solution est proposée, et cette fois, tout va véritablement rentrer dans l’ordre. Comme il ne semble pas y avoir d’alternative, on refoule vite la gêne provoquée par ce «remède» bien radical. On le justifie, puisque c’est pour le bien de l’enfant qui ne sera plus freiné par son écriture catastrophique, et qui paraît, brutalement, indifférent à ses résultats, comme s’il était à peine concerné par ce problème, en réalité tellement angoissant qu’il préfère encore ne pas y penser. Ce recours à l’ordinateur placerait d’emblée ces enfants parmi les handicapés, dépendant d'une sorte de prothèse pour suivre une scolarité ordinaire. En outre, les autres vont le jalouser pour ce merveilleux appareil dont ils rêvent tous. Ces ordinateurs tant convoités disparaissent d’ailleurs mystérieusement, au fond d’une cuvette, jetés sournoisement par des enfants envieux. On donne alors raison au discours habituel : ces enfants agiles intellectuellement ne sont peut-être pas tout à fait normaux, la preuve : ils ne parviennent pas à écrire, ils peuvent être assimilés à des infirmes… Après tout, il est bien naturel qu’une supériorité dans un domaine soit compensée par une faiblesse, apparemment irrémédiable, dans un autre. Il est difficile de se former de soi une image satisfaisante quand tout l’entourage renvoie celle d’un pauvre handicapé qui devra toute sa vie traîner un appareil parce qu’il ne s’est pas développé normalement. On voit bien qu’il faut intervenir sans attendre, ne pas compter sur la bonne nature, sur la seule volonté ou bien sur le zèle d’une maitresse, qui, elle, ne s’étonne pas du décalage entre  une pensée fulgurante et une main infiniment lente, parce que l’enfant doué, poussé par son souci d’éviter de se différencier à l’excès des autres enfants, ne manifeste pas toujours son aisance particulière en classe.     Cette rapidité, si nocive quand elle engendre un décalage qui effraie les enfants tant il est prononcé,  doit être freinée dès le début, sitôt qu’il s’agit d’exécuter des tâches pratiques : les voir heureusement terminées en esprit ne suffit pas, il faut s’armer de patience et s’appliquer avec persévérance pour répondre aux exigences de la réalité. Armé d’une dextérité aussi bien développée dans le domaine du raisonnement que dans celui de l’adresse manuelle, l’enfant doué pourra tracer hardiment son chemin. Cette rapidité fait merveille lorsqu’elle inspire des idées originales, géniales parfois, ou bien un humour tellement séduisant, mais elle constitue un piège terrible lorsqu’elle entraîne un décalage terrifiant avec le patient apprentissage scolaire.

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